Communes, Eglises, administrations : consultation de dossiers dans les cantons

Par Marcel Hänggi. Schaffhouse règle en trois articles ce qui en nécessite 69 à Genève. Dans le canton de Vaud, les Eglises ne doivent pas publier leurs dossiers, à Uri ce sont les communes. Appenzell Rhodes Extérieures est pionnier en matière de transparence et ne possède pourtant pas de réel principe de publicité. Voilà quelques trouvailles issues de la comparaison des lois cantonales sur la transparence.
Dix-huit cantons et la Confédération connaissent aujourd’hui le principe de publicité. Dans douze cantons, mais pas au niveau fédéral, ce principe est ancré dans la Constitution. À Lucerne et dans les Grisons, le processus législatif est en cours. Appenzell Rhodes Intérieures, Glaris, Nidwald, Obwald et la Thurgovie restent fidèles au principe de confidentialité. Appenzell Rhodes Extérieures est un cas particulier : le demi-canton fut le deuxième à se doter d’une loi sur l’information. Mais cette dernière fait dépendre le droit d’accéder aux documents officiels de la preuve d’un intérêt public, tandis que le véritable principe de publicité part de l’idée qu’un tel intérêt existe. A Soleure et Schwytz, une autorité peut exiger la preuve d’un intérêt lorsque le traitement d’une requête exige un effort « particulier », respectivement « extraordinaire ». Seul Schwytz explicite que ce que cela signifie : un effort de plus de quatre heures est déjà « extraordinaire ». Öffentlichkeitsgesetz.ch a analysé les lois cantonales sur la transparence et les a classées dans une base de données. Le résumé le montre : tous les cantons ne sont pas également ouverts au public.
Transparence cantonale signifie aussi transparence communale. Sauf à Uri : sa loi cantonale sur la transparence est la seule qui ne concerne pas les communes. Le projet de loi lucernois est du même tonneau : les communes devraient seulement avoir la possibilité de se soumettre volontairement au principe de publicité.

De façon générale, les réserves face à la transparence sont d’autant plus importantes que les gens se connaissent bien : dans les petits cantons et dans les communes. A Saint-Gall, les communes se défendent contre une loi sur la transparence alors que le principe de publicité est depuis longtemps ancré dans la Constitution cantonale. Dans le processus législatif en marche aux Grisons, une fédération de petites communes s’est prononcée avec véhémence contre la loi. Mais peut-être que dans les petites communautés on est simplement plus confiant : c’est ainsi qu’à Obwald le débat autour d’une loi cantonale sur la transparence s’est apparemment enlisé sans tambour ni trompette.
C’est Schaffhouse qui règle le principe de publicité de la manière la plus concise : en trois articles seulement (8 à 8b) de la loi sur l’organisation. A l’inverse, la loi genevoise sur la transparence et la protection des données comporte 69 articles et l’ordonnance qui en fait partie 27 articles.
Canton pionnier, Berne a introduit le principe de publicité en 1995. Les Rhodes Extérieures ont suivi en 1996, sous forme d’une loi sur l’information qui ne correspond pas entièrement au principe de publicité (voir ci-dessus). En 2002 et 2003, Genève, Soleure, Jura, Neuchâtel et Vaud ont emboîté le pas. La Confédération a mis sa loi en vigueur en 2006. Ont suivi Bâle-Ville (2012), Jura, Neuchâtel, Bâle-Campagne et le Tessin (2013), puis Zoug et Saint-Gall (tous deux en 2014, encore que le principe de publicité figure dans la Constitution saint-galloise depuis 2003 déjà). Presque toutes les lois sur la transparence ont un effet rétroactif. Exceptions : Zoug, Fribourg et la Confédération. Là, le principe de publicité ne vaut que pour les documents délivrés ou reçus après l’entrée en vigueur de la loi. A voir leur premier projet, les Grisons envisagent la même restriction.
A Genève, ceux que l’Etat finance doivent rendre des comptes au public
Les lois cantonales sur la transparence s’appliquent aux administrations cantonales et, sauf à Uri, communales. A la différence du niveau fédéral, les parlements et les exécutifs sont soumis au principe de publicité, mais les sessions des commissions parlementaires et celles des conseils d’Etat sont en général confidentielles, hormis les succincts procès-verbaux de décision. Les PV de session du Conseil d’Etat sont accessibles à Zoug et Soleure, où le gouvernement siège en public. Les autorités judiciaires ne sont en général soumises à la loi sur la transparence que dans la mesure où elles accomplissent des tâches administratives. La publicité du débat judiciaire (garantie par la Constitution fédérale) est à chaque fois réglée par des lois propres.

Considérées comme des instances de droit public, les Eglises cantonales sont elles aussi soumise au principe de publicité, sauf dans le canton de Vaud et les Rhodes Intérieures. A Fribourg, la loi ne s’applique que partiellement aux Eglises et aux collectivités extérieures à l’administration qui accomplissent des tâches administratives. Enfin, les deux Bâle constituent une exception : il n’y a pas un droit à l’accès aux documents pour les particuliers qui accomplissent des tâches pour l’administration, mais de tels documents peuvent en général être demandés par le biais des autorités qui ont confié le mandat à des particuliers. A en croire son premier projet de loi, Lucerne aussi envisage de ne pas soumettre à la loi les sous-traitants de tâches publiques extérieurs à l’administration. A Genève, en revanche, le principe de publicité est extrêmement étendu et concerne aussi les organisations de droit privé qui sont financées à hauteur de 50% au moins par l’Etat, qui appartiennent à l’Etat à au moins 50% ou sur les décisions desquelles les représentants de l’Etat « ont une influence décisive ». Le Valais connaît une disposition analogue.
Dans la plupart des cantons, les demandeurs éconduits peuvent se défendre devant des instances de médiation
Dans la plupart des cantons, une autorité peut facturer des émoluments pour le traitement d’une requête de consultation quand cette requête entraine un effort « particulier » ou « important ». Bien des lois et ordonnances ne précisent pas ce que cela signifie exactement. Mais quand la loi ou l’ordonnance s’exprime à ce sujet, un travail d’une heure ou même d’une demi-heure passe déjà pour « particulier ». L’accès est gratuit à Fribourg, à Genève (sauf quand les documents demandés sont à usage commercial) et à Uri (mais où il faut aller consulter les documents sur place) ainsi que, pour les journalistes, sur Vaud.
Dans les cas litigieux, la plupart des cantons et la Confédération prévoient des procédures de médiation qu’organise en général le Préposé à la transparence (au Tessin, une commission) qui, sauf à Uri, peut émettre des recommandations. Bâle-Ville, Bâle-Campagne, Zoug et Zurich n’ont pas de procédure de médiation mais une instance de conseil dépendant de la Chancellerie d’Etat (Zoug, Zurich) ou du Préposé à la transparence (les deux Bâle). Dans ces deux demi-cantons, cette instance peut aussi arbitrer entre l’autorité et l’auteur d’une requête. Appenzell Rhodes Extérieures, Berne, Saint-Gall et Schaffhouse, les projets de loi des Grisons et de Lucerne ne connaissent ni médiation ni instance.
Quelques particularités : le Jura et Neuchâtel ont une loi commune ou, plus précisément, une convention intercantonale, et se partagent aussi le Préposé à la transparence. A Uri, les documents doivent en principe être consultés sur place et le requérant doit être majeur. Et Bâle-Ville est le seul canton qui prévoit déjà au niveau de l’article constitutionnel une exception concrète au principe de publicité : le secret fiscal est réservé.