«Les demandes d’accès peuvent être décisives»

MAKING-OF Mario Stäuble, journaliste à la cellule enquête de Tamedia, a reçu après deux jours seulement un document sensible. Selon lui, si on sait ce que l’on veut, la loi sur la transparence est un outil redoutable. 

En février, le chef de la logistique de la police cantonale de Schwyz est arrêté. Lors d’une perquisition à son domicile, pistolets, revolvers, fusils semi-automatiques, fusils de chasse et un fusil de sniper sont saisis. Il est soupçonné de trafic d’armes sur le Darknet. Les autorités ne se doutaient-elles vraiment de rien ?

C’est le journal « Der Bote der Urschweiz » qui a découvert en premier le pot aux roses : le contrôle des achats d’armes pour le corps de police était depuis longtemps un sujet au sein de l’administration. Le journaliste de Tamedia Mario Stäuble a voulu creuser l’affaire. Il a alors fait appel à la loi schwytzoise sur la transparence pour obtenir un rapport semestriel du Contrôle des finances. Le document a été fourni en deux jours. Il a ainsi pu prouver que le gouvernement schwytzois était au courant depuis belle lurette des dérives dans l’achat d’armes par la police.

Mario Stäuble, avez-vous été surpris par la rapidité des autorités ?

C’était une heureuse surprise, car elles auraient pu prendre beaucoup plus de temps en utilisant l’entier du délai prévu par la loi. D’un autre côté, j’espérais une réponse rapide, car ma demande était très précise. Par ailleurs, je savais que ce rapport existait. Cela laissait donc peu de marge de manœuvre aux autorités schwytzoises. Elles n’avaient pas grand-chose à vérifier.

Une demande précise mène à une réponse rapide ?

Dans mon cas, oui. Au début, je voulais voir tous les rapports semestriels. Il y aurait peut-être eu d’autres indices sur l’achat d’armes par le corps de police. Mais j’ai changé d’avis et demandé uniquement le rapport qui, d’après mes informations, évoquait en particulier ce sujet. Cela a permis d’accélérer le processus. J’ai déposé ma demande un vendredi ; le mardi suivant, je recevais déjà le rapport en question.

Travaillez-vous souvent avec les lois sur la transparence ?

Oui, car le desk de recherche Tamedia est régulièrement amené à demander des documents aux autorités, notamment fédérales. J’ai eu plusieurs expériences satisfaisantes, mais ce n’est pas toujours le cas. Cela dépend beaucoup de la bonne volonté des autorités. Il y a de grandes différences.

Pouvez-vous évoquer une mauvaise expérience ?

J’ai fait une demande auprès du Secrétariat d’Etat à l’économie (SECO) afin d’obtenir un document évoquant les répercussions sur la Suisse des sanctions à l’encontre de la Russie. Le SECO l’a refusée, craignant pour les intérêts nationaux de la Suisse. Une conciliation a été engagée et mon recours a été accepté. Il était toutefois trop tard pour écrire un article, car le sujet n’était plus actuel.

Quels aspects de la loi sont à améliorer, d’après vous ?

Comme le montre le cas du SECO, une autorité peut retenir des informations, même avec de faibles arguments. Les délais de réponse sont globalement trop longs. Les sujets importants doivent pouvoir être publiés lorsqu’ils sont actuels. Les autorités doivent fournir les informations tant qu’elles sont « chaudes ». Les frais exorbitants que demandent certaines autorités constituent aussi un obstacle inacceptable.

Vaut-il la peine d’utiliser les lois sur la transparence dans la routine journalistique ?

Oui, tout à fait. Elles représentent un outil d’une grande utilité, notamment lorsqu’elles sont employées en parallèle à d’autres méthodes. Il est important d’utiliser toute la palette d’outils à disposition des journalistes. Les lois qui nous garantissent un accès aux informations peuvent être décisives pour une enquête. Il faut donc toujours les avoir à l’esprit et se demander si des documents officiels peuvent apporter quelque chose à une recherche.

Interview: Julia Rippstein

Comment les journalistes travaillent avec les lois sur la transparence

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