Transparence bafouée, mais des autorités indemnes

L’OFSP a largement noirci les contrats des vaccins, car une publication affaiblirait les intérêts économiques du pays. (Photo: Keystone/Laurent Gilliéron)

COMMENTAIRE Le litige sur l’accès aux contrats de vaccins montre que les autorités fédérales n’ont pas encore assimilé le principe de transparence. L’affaire révèle les faiblesses de la loi.

Par Petar Marjanović

 

La société civile à l’œil critique devrait remercier des personnalités comme le député UDC soleurois Rémy Wyssmann ou Hernâni Marques, cyber-activiste et membre du Chaos Computer Club: ils ont prouvé pendant la pandémie que le principe de transparence n’est pas un droit qui est réservé aux journalistes, mais dont jouit aussi la population.

 

Au cours des dernières années, les médias et leurs groupes de presse ont vu ce que cela signifiait lorsque l’administration refusait d’appliquer correctement la transparence. Les efforts à déployer pour obtenir l’accès à des documents en ont dissuadé plus d’un. En cause, les démarches juridiques et les frais importants qui en découlent.

C’est là que l’engagement de la société civile peut jouer un rôle central, car il légitime davantage les droits d’accès inhérents à la loi sur la transparence. Il amène une nouvelle énergie, une motivation intacte et pourrait permettre de réunir les moyens nécessaires pour que la transparence administrative soit imposée également devant le Tribunal fédéral. Les autorités fédérales doivent voir dans cet activisme louable un appel: la culture du secret doit définitivement être éliminée.

Accord pour garder les contrats secrets

L’affaire sur l’accès aux contrats d’acquisition des vaccins anti-Covid révèle malheureusement que le chemin vers la transparence sera encore long. Dans la course mondiale aux vaccins, la Confédération a signé un contrat dans lequel elle s’engageait à garder le secret dès le début. L’Office fédéral de la santé publique (OFSP) n’a pas respecté la procédure prévue par la loi en cas de demande d’accès. Il a tout mis sur le compte des intérêts économiques des groupes pharmaceutiques et a renoncé à l’audition prévue.

Le Préposé fédéral à la transparence (PFPDT) a condamné cette attitude. Mais il n’a pas pu faire grand-chose d’autre que lancer une petite pique, rappelant à l’office que les refus devaient être présentés «avec le degré de motivation requis par la jurisprudence».

Pas de sanctions en cas de non-respect de la loi

Le principe selon lequel des motifs de refus insuffisants sont contraires à la loi est connu. Il a été créé en 2015 par le Tribunal administratif fédéral. Il est donc d’autant plus agaçant que l’OFSP ait à nouveau recours à cette astuce. Ce principe n’est pas interdit: les juristes et les personnes hautement placées au sein des offices fédéraux n’ont pas à craindre de sanctions administratives, politiques ou pénales s’ils ne respectent pas la loi sur la transparence. Ils risquent, au pire, un jugement; un office doit, lui, mieux motiver une décision de refus. En temps normal, des agissements aussi malhonnêtes ne devraient conduire qu’à une note dans un «rapport d’évaluation».

C’est une faiblesse de la loi sur la transparence: des faits compromettants peuvent être tenus secrets jusqu’après la démission des responsables grâce à des tactiques dilatoires illégitimes. Le monde du journalisme et la société civile n’ont aujourd’hui pas d’autre choix que de révéler et de dénoncer ouvertement de tels procédés.


Petar Marjanović  est journaliste politique pour watson. 


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